Tout amateur de single malt a déjà croisé et déjà goûté du whisky tourbé. Mais c’est quoi, précisément, de la tourbe ? Comment est-elle utilisée dans la fabrication du whisky, et qu’apporte-t-elle ? Et les PPM, c’est quoi et ça sert à quoi ?
Toutes ces questions, je me les suis posées à un moment ou à un autre lors de mes pérégrinations dans le monde du single malt. Et les réponses ne sont pas toujours évidentes. Je vais donc essayer d’en apporter certaines dans cet article.
Qui es-tu, la tourbe ?
La tourbe est un combustible naturel. Ce combustible se forme pendant des milliers d’années à partir de végétaux divers décomposés. La tourbe est donc une ressource naturelle, que l’on trouve dans les tourbières (diverses étendues où le climat et la géologie ont été propices à l’évolution de cette tourbe), qui se forme par couches géologiques successives.
La tourbe se trouve donc en surface (contrairement au charbon, cet autre combustible, qui lui se trouve en profondeur), sur une épaisseur de plusieurs mètres. Elle se renouvelle à raison d’un millimètre par an (on se rend tout de suite compte que ça va coincer à un moment, voir le dernier paragraphe du présent article).
La tourbe, souvent récoltée sous forme de grosses bûches, ressemble en fait à de la terre compacte grasse. Il faut la laisser sécher avant de pouvoir la brûler.
A quoi sert la tourbe dans la fabrication du whisky ?
La tourbe est utilisée lors du séchage du malt, pendant l’étape de maltage (voir l’article Comment est fabriqué le single malt ?). Historiquement, la tourbe était utilisée comme combustible, mais depuis pas mal de temps elle a été remplacée par d’autres (le charbon, le gaz et le mazout en tête). D’ailleurs, jadis, tous les whiskies étaient tourbés car toutes les distilleries utilisaient la tourbe comme seul combustible. Les distilleries des Lowlands et du Speyside furent les premières à abandonner la tourbe au profit du charbon, produisant ainsi un whisky non tourbé.
La tourbe, de nos jours, est essentiellement utilisée pour donner des saveurs particulières au malt lors du séchage. La fumée dégagée par la tourbe est particulièrement dense et odorante, ce qui imprègne le malt.
Les saveurs ‘’tourbées’’ procurées varient bien évidemment en fonction de la tourbe utilisée et surtout de son origine géographique et géologique. C’est ce qui compose la tourbe qui donnera telle ou telle saveur.
On distingue d’ailleurs généralement plusieurs types de saveurs tourbées : la fermière, la minérale, la médicinale, la goudronnée, etc…
Les PPM.
La mesure de tourbe présente dans le malt après séchage est exprimée en PPM (Partie Par Million) de phénols. Dit juste comme cela, ça n’explique pas grand-chose et on ne comprend pas plus. Je ne suis pas chimiste (et je ne comprends pas grand-chose à ces choses-là), je vais donc essayer d’être compréhensible pour tout un chacun.
1 PPM de phénol correspond à 1 molécule de phénol diluée à 1 million d’autres molécules. Un whisky tourbé à 25 PPM correspond donc à 25 molécules de phénols sur 1 million de molécules ; les phénols étant présents dans la fumée de la tourbe brûlée pendant la phase de séchage et se fixant dans le malt.
En règle générale, les whiskies très tourbés dépassent les 30 PPM (et peuvent parfois atteindre 80 PPM, voire même plus de 250 PPM pour l’Octomore), les moyennement tourbés tournent autour de 25 PPM, et les peu tourbés sont sous la barre des 15 PPM.
Même les whiskies non tourbés (du Speyside, par exemple) contiennent des phénols (puisque n’importe quelle méthode de séchage du malt en produit), mais à concurrence de 2 ou 3 PPM (ce qui est imperceptible).
Ceci dit, les PPM me restent particulièrement obscurs quand je suis devant mon dram de whisky tourbé. J’ai déjà trouvé des whiskies à 25 PPM plus tourbés que des à 50 PPM. Ça reste donc une question de perception personnelle avant tout. Surtout que le niveau de PPM n’est jamais indiqué sur les étiquettes des bouteilles, il est donc très difficile de trouver une information fiable quant au taux de PPM du whisky que l’on est en train de boire.
Quel avenir pour la tourbe ?
Là est la grande question, qui engendre un grand débat ! L’exploitation de la tourbe bat son plein. Bien évidemment par les producteurs de whisky qui en utilisent en quantités de plus en plus importantes en raison de l’engouement grandissant pour notre boisson préférée ; mais la tourbe est aussi utilisée en culture comme compost naturel.
Quand on sait que la tourbe se renouvelle à raison d’un millimètre par an, alors que l’exploitation en enlève en moyenne 22 millimètres ; on se rend bien compte que les réserves naturelles seront rapidement épuisées. Quid alors ?
En Grande Bretagne, la sirène d’alarme a été tirée dans les milieux de l’agriculture (domestique en tout cas) afin de cesser d’utiliser la tourbe comme compost pour passer à un compost ‘’peat free’’. Le souci étant que les alternatives coûtent plus cher, les jardiniers du dimanche ont tendance à continuer d’acheter de la tourbe, moins chère, pour leurs jardins et autres plantes en pots. Pour vous faire une idée, les 2/3 de la tourbe utilisée aux Royaumes Unis le sont par les jardiniers amateurs ! Plus de 50% de cette tourbe est importée d’Irlande, ‘’seulement’’ un peu moins de 40% étant issue des Royaumes Unis.
Quand on sait que l’exploitation de la tourbe génère aussi une empreinte carbone importante (le carbone retenu dans la tourbe étant libéré en masse dans l’atmosphère lors de l’extraction de celle-ci, cela contribue au réchauffement climatique global) ; que la faune et flore locales sont mise à mal par cette exploitation, il n’est pas étonnant de penser que son avenir pourrait se voir compromis.
Néanmoins, il semble que ce soit surtout l’usage de la tourbe en cultures domestiques qui soit dans le collimateur des diverses organisations qui se sont penchées sur le sujet. La production de whisky tourbé, qui serait apparemment presque anecdotique par rapport aux volumes de tourbe utilisés par les jardiniers du dimanche, semble relativement épargnée pour le moment. Pour le moment, mais wait & see.
Il y a des tourbières dans les hautes Fagnes. A quand un whisky tourbé en Belgique, ;-)
RépondreSupprimerThe Belgian Owl en prépare un...
SupprimerEt bien, tu as bien étudié ta leçon en peu de temps, me semble-t-il! Félicitations!
RépondreSupprimerMerci bien d'avoir écrit cet article en donnant la définition de la tourbe. J'aimerais aussi signaler aux lecteurs que le terme tourbe est aussi utilisé quand on parle du cannabis. Bien sûr on n'est pas en train de parler de ça ici, mais les gens confondent souvent les deux qui sont dans deux contextes différents.
RépondreSupprimerHa bon ? Personnellement je n'ai jamais entendu le terme "tourbe" en parlant de cannabis...
SupprimerOn utilise la tourbe aussi pour les feux de camp. C'est un excellent déclencheur, surtout si le bois est un petit peu mou. Sinon, il y en a des régions où les gens l'utilisent encore pour le whisky.
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